PRATIQUES DE GUERISONS TRADITIONNELLES AU CHILI
ATELIER DE RECHERCHES EN ANTHROPOLOGIE CLINIQUE
PRATIQUES DE GUERISONS TRADITIONNELLES AU CHILI
MACHI DES MAPUCHES D’ARAUCANIE
ETUDE DE TERRAIN SUR LES REPRESENTATIONS
ET PRATIQUES DE SANTE TRADITIONNELLES ET POPULAIRES
DANS LA IX e REGION DU CHILI.(TEMUCO-ARAUCANIE)
SEJOUR D’ETUDES DU 20 MAI AU 12 JUIN 2000
ROBERT STEICHEN
La présentation du 5 juillet 2000.
C’est l’occasion de ramasser quelque peu les traces éparses laissées par le voyage d’études au Chili, qui date d’il y a un mois a peu près. Il a bien fallu mettre radicalement « au frigo » les impressions, souvenirs, idées et autres représentations de ce voyage pour fonctionner de manière plus ou moins adéquate comme professeur d’université cad, en cette période de l’année, en tant qu’examinateur d’étudiants, lecteur de mémoires et collègue participant à la délibération, au conseil et à la mise en place des commissions de tâches académiques.
Etant donné que le théme du séminaire de l’ARAC est d’étudier les processus dans lesquels sont pris les chercheurs sur leur chemin « du terrain au texte », je porterai ma réflexion sur l’actualité, le « hic et nunc » de ce travail de construction du terrain par la « textualisation » au sens large et »l’ecriture » au sens spécifique. Actuellement, ou en est ce « texte »?
Concrètement, il s’agit de notes de terrain (un carnet de notes de 96 pages remplis de gribouillis),
de documents ramenés de la-bas (programmes de formation ou recherche sur le thème de la santé populaire), du courrier échangé avec divers acteurs de ce voyage, des livres achetés sur place, des photos et quelques objets d’intéret ethnographique (fort peu de chose : un sobremakun ou chamanto de cacique, un trarihue ou ceinture brodée de femme, une double bolsa rustique en laine, quatre parures de femme en argent (trarilonko, trapelakucha, tupu et sikkil, boucles d’oreille), et quelques échantillons de lawentu ou herbes médicinales). Peu de choses, rien de spectaculaire.
L’essentiel est dans « la cabeza y el corazon », et cela doit encore être mis en mots. C’est cette lecture que je tenterai ici. Ce sera une deuxième lecture si on tient compte du fait que la construction de l’objet, en l’occurrence le terrain producteur de « représentations et pratiques de la santé » chez les Mapuche, comporte trois étapes de construction par l’écriture.
D’abord, sur place, les notations et enrégistrements par la mémoire. Le plus possible, sans trop trier.
Ensuite, l’écriture de tout cela, pour soi, pour une mise en ordre, pour en garder la mémoire, avec déjà des interprétations au plus près de celles fournies par les informateurs. C’est une écriture qu’on peut qualifier d’ethnographique.
Enfin, une troisième lecture articulée à la lecture d’ouvrages d’ethnologie, et confrontée au travail d’étude des représentations et pratiques effectué sur d’autres terrains, dans une visée d’analyse comparative, qui devrait aboutir sur un texte d’antrhropologie clinique.
Objectifs du voyage d’études en Araucanie.
Recueil d’une documentation complémentaire dans le cadre du programme de recherches « Anthropologie clinique: représentations et pratiques de santé mentale traditionelles et modernes.
Rencontres avec des informateurs universitaires, des médiateurs -interprètes et des acteurs de terrain pour constituer une documentation concernant: le système de représentations identitaire, le système de représentations du mal et les pratiques de guérison chez les Mapuche de l’Araucanie, au Chili.
Modèle (ou guide).
Modèle élaboré à partir de la recherche clinique psychanalytique et de la recherche en anthropologie clinique. Résumé de ce modèle en quelques aphorismes.
1. La réalité humaine, tant individuelle que collective, en tant qu’objet des sciences humaines tout comme en tant qu’expériences commune quotidienne, est une construction psychique, intellectuelle et affective. Ainsi concue, cette réalité est cernée par les notions de Weltanschauung, horizon existentiel, conception du monde et cosmovision, mythes et croyances, système de valeurs et de références , théorie et modèle scientifiques, et autres concepts des sciences humaines .
2. Cette réalité est constituée par les représentations individuelles et collectives, issues des traces de perception et des interprétations mémorisées par les individus et les collectivités et rassemblées en systèmes de représentations.
3. Ces représentations sont des reseaux de signifiants (des représentations en mots) et d’images (représentations en choses) crées par les opérations de selection et de combinaison.
4. Ces représentations acquièrent le statut de réalité par leur association à des affects de manière à constituer des complexes.
5. L’identité, tant individuelle que collective, est un système de représentations complexe, associant les identités individuelle, personnelle, subjective et sexuelle.
De ces quelques assertions découlent d’autres concernant un modèle de « pragmatique » de la clinique:
1. La santé et la maladie psychiques sont les effets expérimentaux (vécus) de l’ordre et du désordre dans le système de représentations.
2. Les pratiques de guérison des désordres psychiques reposent sur l’association du transfert à l’interprétation qui sont les conditions de bases de l’efficacité thérapeutique.
3. Celleci repose sur l’association entre l’efficacité réelle des molécules, l’efficacité imaginaire des figures et l’efficacité symbolique des enoncés.
4. Les conditions élémentaires des pratiques cliniques sont la construction d’u n cadre, l’élaboration d’u ntransfert, la communauté d’un mythe et son activation par des rites correspondants.
5. Toute culture définit ses propres conditions spécifiques d’efficacité thérapeutique par référence au système de représentations qui y fait office de réalité.
6. La transculturalité consiste dans le passage de représentations d’un système à l’autre moyennant une traduction et une interprétation.
Ce qui précède est précisé comme suit:
1. Un système culturel (et aussi individuel) de représentations de la réalité comporte le système de représentations des causalités du mal (malaises, malheurs, maladies, malédictions et autres malfaisances) en termes de causes surnaturelles (astres, principes, dieux du panthéon, et divinités secondaires, esprits et ames d’ancètres ou errantes) et naturelles (causes humaines, sociales et individuelles et causes physiques , chimiques et biologiques).
2. Le mal et ses connotations désigne les diverses formes d’intrusion de la violence du réel dans l’ordre de la réalité. Le réel est aussi bien d’origine interne au sujet (violence pulsionnelle et violence de l’Autre) qu’extérieure à lui (violence naturelle: catastrophes et cataclysmes ,et violence culturelle: agressions et guerres).
3. Ces représentations inspirent des pratiques d’autant plus cohérantes avec elles que cette cohérence fonde leur efficacité. Les pratiques comportent de manière isoléee ou combinée les « traitements » physiques et pharmacologiques (médecines, pharmacologies et herboristeries),les désencorcellements et opérations de rétablissement de la réciprocité (conciliations sociales), les exorcismes ,transes et extases (chamanisme), les ritualismes, sacrifices et rogations ( religion)
Construction et déconstruction de ce modèle.
Ce modèle a été construit entre 1970 et 2000 pour répondre à un but bien précis: fournir un repère pragmatique pour la pratique personnelle du chercheur. Ce modèle intellectuel largement emprunté aux auteurs contemporains a été progressivement remplacé par un modèle intuitif, propre au clicien, élaboré à partir des effets de son analyse personnelle. Ce modèle intuitif repose sur les effets de la « traversée du fantasme » et sur les effets de transfert aux modèles théoriques intériorisés. Dans un souci de communicabilité, le modèle intellectuel, quoique affecté par le modèle intuitif, reste en vigueur pour la transmission dans l’enseignement, les relations collégiales et l’organisation des recherches.
Publications relatives au modèle de la construction identitaire:
1996 Steichen R., Le complexe familial : réalité de sa structure et structure de sa réalité,
in Steichen R. et de Villers G. (dir), La Famille et les familles : quelle identité aujourd’hui ?, Ed. Academia, Louvain-la-Neuve, 1996,pp. 57-84.
1997 Steichen R. ,L’identité du sujet : sa construction et ses nominations
in Steichen R. et Servais P. (dir.), Individu, personne, sujet?: Identification et identités dans les familles, Ed. Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, 1997.pp. 11-46.
1998 Steichen R., Figures de l’altérité: les autres et l’Autre,
in R Presvelou C. et Steichen, R (dir), Le Familier et l’Etranger: dialectiques de l’accueil et du rejet. Ed. Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, 1998, pp.39-57.
1999 Steichen R., L’épreuve identitaire ou le mal pour le bien.
in Marquet, J. et Bonmariage, J. (dir.) Le bien de l’enfant. Vol. II .
Ed. Academia-Bruylant. Louvain-La-Neuve. 1999.
2000 Steichen R., De la fixité du destin à l’ouverture au désir. L’épreuve identitaire du sujet handicapé.
in Servais P. et Steichen R.(dir.) Handicap, Famille et Société,
Ed. Academia-Bruylant. Louvain-La-Neuve. 2000.
Antécédents d’etudes andines.
1989 Mémoire de Dwight ORDONEZ BUSTAMANTE (1989) « Mythes et pratiques traditionnelles de guérison dans la culture andine » in Cahiers des Sc. Fam. et sex., 14,
LLN 1991, 151-216.
1989 – 1995: Voyages d’etudes concernant les représentations et pratiques de santé dans les pays andins: curanderos et ayahuasceros des Quechua ( Perou 1989), Kallawayas des Aymara (Bolivie 1994 ), Yachac des Naporuna et Uwishin des Ashuar (Ecuador 1995).
1989 Dr. Dagoberto DUARTE, medico. Actualmente (20.06.02) docente a la Facutad de Medicina, Univ. Austral de Chile à Valdivia. Enseigne systémique familiale, Foucault, séminaire sexualité. Doctorant (Baruffol) Impact du suicide sur la famille. Marginalité intellectuelle, sexualité et pouvoir. E-Mail : d.duarte@terra.cl, dagoberto.duarte@uach.cl
Thèse de doctorat de Rolando EWEL
Voyages d’études en Afrique centrale et au Maghreb
Voyages d’études sur les représentations et pratiques de guérison en Himalaya : les lha-bo, on-po et amchi du Ladakh, les jankhri , yeba et amchi du Nepal.
1999: Doctorat de Mauricio GARCIA  » L’altérité, le regard et la réciprocité. Les représentations culturelles de la souffrance dans la culture populaire chilienne: approche anthropo-psychanalytique », PSP, LLN, 1999
1999-2000: Exposés de Mauricio GARCIA (28.4.99), , de Ricardo SALAS ASTRAIN (11.5.99) de Jorge GISSI BUSTOS (21.9.99) et de Marie Pierre STAES (17.5.2000) au séminaire de l’ARAC
2000: Documentation du Ethnografisch Museum Antwerpen.
Etapes pratiques de la construction de l’objet (en l’occurence, le modèle du système des représentations et des pratiques)
1. Elaboration d’une relation transférentielle (transfert de travail) avec un chercheur (doctorant) qui retourne sur le terrain.
2. Repérage et construction par voie de transfert d’un réseau de médiateurs, informateurs et interpretes inserés « dans » le terrain.
3. Reperage et « rencontres  » (plutôt qu’ interviews ou entretiens) avec des « agents  » ou « acteurs de terrains » qui sont des praticiens de la santé et leurs clients, patients etc.
4. Multiplication des « rencontres  » sur place de manière à produire et multiplier des transferts
(reseau des informateurs: mediateurs, interprètes, agents) . Instauration d’un relation de réciprocité avec identification des enjeux , objets et autres ingrédients (comme les petits détails ou objets i(a), les objets transitionnels, les fétiches, les équivalents phalliques, etc).
5. Dans le transfert, participation à des entretiens informels ( de préférence entre informateurs, interprètes et agents dans le cadre de vie ou d’action de l’agent).
6. Dans le cadre de ces rencontres , introduction , sous des formes dérivées, des trois questions: qu’estce que l’identité mapuche(cosmovision, y compris rapports aux « autres », Wekufe, Huincas et Gringos)? quelles sont leurs conceptions du mal (maladie, malheur)? quelles sont leurs pratiques de rétablissement de l’ordre(santé)?
7. Interprétations immédiates des données par les informateurs présents. Discussion de celles-ci, en fonction du modèle, avec les interlocuteurs: interprétation concertée.
8. Recueil de données complémentaires: photographies, enrégistrements éventuels et recueil de matériel disponible, articles et livres.
9. Rédaction des notes de terrain dans l’immédiat après-coup. Interprétations lors de cette rédaction.
10. Lectures et retour sur les notes. Rédaction de comptes rendus. Discussions de celles-ci ,repetées par la suite. Confrontation avec les données des autres terrains.
11. Introduction dans l’enseignement du cours « Psychothérapies familiales, conjugales et sexuelles: questions approfondies », séminaires, exposés-débats et publications (à plus long terme).
Langues véhiculaires et autochtones.
L’ensemble des entretiens, tous comme la documentation et les ouvrages consultés sont en espagnol . Sur le terrain, les informateurs fournissaient un effort de compréhensibilité pour leurinterlocuteur étranger, en ralentissant leur débit et en parlant le castillan. Entr’eux, ils reprenaient tres vite l’habitude de parler le dialecte chilien, marqué de ses regionalismes spécifiques. Les Mapuche connaissent pour la majorité l’espagnol appris dans les écoles. Leur langue, le mapudungun, est parlé en famille par les anciens, quelques rares jeunes sensibles à la tradition, et les intellectuels mapuches engagés dans le politique de revalorisation de l’identité culturelle mapuche.
La plupart des ouvrages techniques en espagnol se dotent d’un lexique mapudungun-espagnol ou renvoyent au dictionnaire classique de De Augusta.
Resumé des activités: unités d’informations.
A Santiago:
1. Entretiens avec Mauricio GARCIA PENAFIEL.
2. Entretiens avec Ricardo SALAS ASTRAIN.
3. Entretien collectif avec Ricardo SALAS ASTRAIN, Luis FLORES, et Mauricio GARCIA
4. Documentation du Museo Chileno de Arte precolombino.
5. Lectures de Nicolas GISSI BARBIERI (1997), de Luis C. FARON(1997) et de Rolf FOERSTER (1995)
6. Au retour: cours et échange de vues à la Faculdad de Psicologia de l’Universidad Catolica de Chili (Mauricio et ses étudiants)
Première semaine: Villarrica.
7. Entretiens avec Francesca DE LA MASSA,anthropologue.
8. Entretiens avec Pelayo BENVENIDES, psychologue jungien.
9. Entretiens avec Alejandro BUSTAMANTE, historien,
10. Entretien avec Juan LIPIANTE PIRQUINTE, historiographe d’origine mapuche.
11. Entretiens avec Paul WEVERING, directeur de l’université
12. Entretiens avec Gonzalvo SILVA, Eugenio VIZUA, Orietta JARA, et visites aux fermiers.
13. Entretiens avec étudiants chiliens et mapuches au Centro Demonstrativo y de Capacitacion
« Kom che ni Ruka » à Afunalhue.
14. Entretien avec Julio LLANCAFILO, machi à Melipeuco (dept Chaura).
15. Documentation du Musée et de la Bibliothèque communale de Villarrica.
16. Documentation du Musée et de la Bibliothèque universitaire de la Catolica.
17. Huerquehue, et rêve de la rencontre avec le Pillan mythique du Ruka-pillan.
Deuxième semaine: Puerto Dominguez.
18. Entretiens avec Jose Fernando DIAZ -FERNANDEZ, théologien et missionologue
19.Entretiens avec Reto WEISS, Jorge DEVI, Juan R., et les membres de l’équipe paroissiale.
20. Entretiens avec Pedro BLANCO, et autres lonkos de Quechukawin, (intermed. Fernando DIAZ).
21. Entretien avec Griselda QUILLAPAN, machi à Quechukawin, (intermed. Fernando DIAZ)
22. Entretien avec Juana VEJAR-LEFIO et Emilio PAINEFIL-CALFUQUEO Ã Puerto Dominguez.
23. Films -Videos des machitunes
24. Tempête et rêve de l’actualisation du Mythe de Tren-tren et de Kai-kai.
25. Lecture et discussion de la thèse de doctorat de Fernando DIAZ
Troisième semaine: Temuco, Maquehue et Chol-chol.
26.Documentation du Musée de l’Araucanie , Casa de la Mujer et Centro de Diagnostic y de Tratamiento de l’Hopital regional de Temuco.
27. Lecture de Luca CITARELLA « Medicina y culturas en Araucania ».
28. Rencontre avec Juanita QUIRIBAN , machi à Huicachue (puente Quepe).
29. Rencontre avec Miguel Angel SOLAR , et patients mapuches, à la Clinica Methodista à Temuco.
30. Rencontre avec Dr. Jaime IBACACHE , et patients mapuches, au « Consultorio de la Asociacion indigena para la Salud » , Hopital de Maquehue (Makewe).
31. Rencontres avec Nicolas GISSI BARBIERI, Tania SOLAR LOPEZ et Carmen PADILLA , Fundacion Nacional por le Superacion de la Pobreza, Consultorio Rural, Programa Servicio Pais à Cholchol.
32. Rencontre avec Myriam AEDO MOLINA,sa fille Jeni TAPIA et son mari, ancien sous-marinier.
33. Rencontre avec Jimena MILLANAO, machi à Los Duraznos, (intermed. Nicolas GISSI).
34. Rencontre avec Hilda COILLA DOMUINGUAL , machi à Pitraco, (intermed. Myriam AEDO).
Analyse de contenu détaillée des unités d’information.
A Santiago:
1. Entretiens avec Mauricio GARCIA PENAFIEL: problèmes identitaires des Mapuchés en ville entre assimilation et revendication ethnique, représentations composites entre catholicisme et animisme, polymorphisme des pratiques de curation. La pratique des animitas: l’animita de Romualdo IVANI ZAMBELLI, dit « Romualdito » et rapprochement avec le culte de la Virgen de Lourdes (via le thème de la caverne et de la maison de l’âme)
2. Entretien avec Ricardo SALAS ASTRAIN.
3. Entretien collectif avec Ricardo SALAS ASTRAIN, Luis FLORES, et Mauricio GARCIA: tensions identitaires et éconmico-politiques entre Mapuches et Huincas, actualité en Araucanie des relations entre le sacré et l’humain (cfr « El Sagrado y el Humano »), la pratique populaire actuelle du culte des animitas, pratiques actuelles des rites sociaux mapuches tels que le Nguillatun et le Machitun, les enjeux de pouvoir et les rapports de force contemporains dans les groupes Mapuches en milieu urbain et rural.
4. Documentation du Museo Chileno de Arte precolombino: matériel figuratif des Mapuches :
Architecture réduite au seul habitat domestique. Pas de temples ni autels autres que les grandes sculptures cultuelles monoxyles, telles que les chemamüll (mamulche ou hommes -arbres, et ngillatue ou statues sacrées), les « cruzes », et les rehue (ou rewe). Parmi les sculptures de taille réduite citons les tres simples masques kollon. (représentations de huincas) utilisés dans les rites collectifs et jeux d’enfants.
Les ruka traditionelles comportent une simple charpente de bois grossier garnies d’une chape et de parois en roseaux ou herbes sechées.
Les trouvailles archéologiques les plus remarquables sont les artefacts lithiques tels que les symboles d’autorité,toki-cura ( piedras de jefe detoki = cabeza o jefe y kura=piedra), klava (embleme de chef de guerre en forme de tête d’oiseau), kanta-kura( pierres basaltiques sphériques percées en leur milieu pour l’insertion d’un manche en bois, à usage d’arme et d’outil).
Céramiques: vaisselle usagère à motif géométrique (rouge ou noire sur fond crème de la culture de Valdivia) et monochrome rouge brique (plus naturaliste et plus tardive). L a majeure partie de la vaisselle est taillée dans le bois ou en vannerie serrée ou lâche. Les ustensils de ménage est en bois.
Pas de mobilier autre que jarres et filets tressés suspendus aux poutres de la ruka.
Parures en argent pour femmes: trarilonko (cénidor de la cabeza),trapel-akucha (grand pectoral comportant une plaque d’oiseaux affrontés, trois chaines articulées et une plaque trapézoidale ou hémishérique à pendeloques), sikkil (pendentif ou broche à plaques articulées ou chainettes supportant une croix ansée à pendeloques ou une plaque ajourée à motif humain élémentaire avec pendeloques), tupu (grosse aiguille surmontée d’une sphère ornée d’une croix en pendeloque), trarikuwe ( colliers fins en perles d’argent ou de perles de verre noires, bleues et blanches)et chawai
( boucles d’oreille en forme de trapèze ou de navette).
Ornements de tête tels que nitrohue (bandeau couvrant la tête et les tresses, faite de coton ou de laine rouge ornée de mille à millecinqcent demi-sphères d’argent (ou llef-llef) élargie au milieu , large de 3 cm et longue de 3 à 4 m.), lloven (id,large de 4cm et longue de 1,5 m.), arauco trarilonko (bandeau de tête élaboré en turban), lumaco trarilonko (idem, avec en plus des disques d’argent, des perles de verre rouge, des pendants d’argents et des tubes d’argent), painel (lloven à six rangs de llef-llef et plaques d’argent rectangulaires)
Textiles tels que ukülla (cape ou châle de femme, en quechua), trarihue (ceinture de femme, brodée de motifs d’inspiration inca), sobremakun (chamante de cacique), makun (manta courte d’homme d’usage courant).
Conclusions :Elementarité des représentations de la figure humaine. Absence de figurations composées et de scénarisations.
5. Lectures de Nicolas GISSI BARBIERI (1997), de Luis C. FARON(1997) et de Rolf FOERSTER (1995). Première impression : grand contraste entre la pauvreté figurative et la grande richesse des représentations mentales et des récits oraux.
Le mythe fondateur du cataclysme originaire: le serpent de la montagne Tren-tren soulève les humains pour les sauver du « déluge » ou « raz de marée » causé par le serpent des eaux Kai-kai. Les humains tombés à l’eau sont transformés en rochers et en poissons. La montagne ne cessant de grandir se rapproche dangeureusement du soleil. Une partie des humains est brûlée. Ne survivent que ceux qui se sont protégés d’un plat en bois enguise de chapeau. La montagne ne cessant de monter, les quatre humain adultes survivants font le sacrifice d’un enfant. La montagne cesse de grandir, les survivants donnent naissance aux Mapuche. Les statues des ancêtres les représentent sous l’aspect de piliers comportant une tête couverte d’un chapeau.
6. Au retour: cours et échange de vue à la Faculdad de Psicologia de l’Universidad Catolica de Chili avec les étudiants du cours de Psychologie de la personnalité de Mauricio Garcia. Thème: « Psicoanalisis y antropologia clinica: investigacion del arte de curacion tradicional de los Mapuches ».
Première semaine: Villarrica, Afunalhue, Pucon.(lettre à Mauricio Garcia)
Rencontres avec informateurs à l’Universidad Catolica del Chile à Villarica: Fernando BURROWS, anthropologue et informateur principal recommandé par Mauricio est actuellement en tournée en Europe. Remarquable construction tout en bois et verre inspirée de la ruka traditionelle. En fait ressemble à la coque d’une barque retournée, la quille en l’air . Les locaux l’appellent d’ailleurs « la barca ».
7. Entretiens avec Francesca DE LA MASSA, anthropologue du développement: concernant la question identitaire, elle évoque la conception à la fois ethnocentriste et universaliste des Mapuche qui assimilent les indiens réprimés dans d’autres parties d’amérique latine à leur propre cause, surtout les Aztèques de la region d’Oaxaca,les Mayas du Yucatan, les Quiché du Guatemala. Concernat les représentations et pratiques elle relate son expérience de séjour auprès de Carmela ROMERO ANTIVIL, machi à Temuco. Cfr. sa biographie par Sonia MONTECINO (1999)
8. Entretiens avec Pelayo BENVENIDES, psychologue jungien, sensible aux archétypes dans les mythes et dans l’interprétation des rêves. Il souligne les difficultés de contact avec les Mapuche de la région. Hostilité lié à l’histoire des expropriations et des « reducciones ». Le coin est bourré d’allemends, d’hollandais et de « afrikaanders » qui ont obtenu du gouvernement chilien les meilleures terres agricoles (a l’issue des guerres dites de « pacification »). Pelayo trouve les Mapuches de Santiago plus ouverts, plus enclins à communiquer avec les Huincas. Il m’amène à plusieurs reprises à Afanalhue, au Centro de Capacitacion. Il se montre tres méfiant à l’égard du machi Juan LIPIANTE, suspect de faire des compromis mercantils.
Me conduit à Pucon, et me guide dans les contreforts des volcans au Parc de Huerquehue. Six heures de montée, deux heures de descente, huit heures de pluie ininterrompue. Trempés jusqu’aux os. Essences tropicales et sub-tropicales. Plantes sacrées: canella, lauriers, etc. araucaria de grande taille (et piñones) aux abords des lacs de cratères. Paysage et atmosphère antédiluviens.
9. Entretiens avec Alejandro BUSTAMANTE, historien,
10. Entretien avec Juan LIPIANTE PIRQUINTE, historiographe d’origine mapuche, Departamento de Cultura mapuche,
11. Entretiens avec Paul WEVERING, directeur de l’université,
12. Entretiens avec les responsables du secteur « plantesmédicinales »: Gonzalo SILVA, ingénieur du développement, Eugenio VIZUA, expert plantes médicinales, Orietta JARA,juriste, et visites aux fermiers pour l’implantation des « jardins médicinaux ». Entretiens avec trois d’entr’eux sur les déterminants du « ir al campo ».
13. Entretiens avec étudiants chiliens et mapuches au Centro Demonstrativo y de Capacitacion
« Kom che ni Ruka » à Afunalhue, sur les relations mapuches et huinca sur place, les conceptions de la santé, le recours aux pratiques de guérison domestiques, populaires, traditionnelles et modernes.
14. Entretien avec Julio LLANCAFILO, machi à Melipeuco (dept Chaura): sa vocation, le rêve de l' »abuelita », l’ épisode de la belladone,
15. Documentation du Musée et de la Bibliothèque communale de Villarrica.
16. Documentation du Musée et de la Bibliothèque universitaire de la Catolica.
17. Marche sous la pluie à Huerquehue, et rêve de la rencontre avec le Pillan mythique du Ruka-pillan.
Deuxième semaine: Puerto Dominguez.(lettre à Pelayo Benvenides)
18. Entretiens avec Jose Fernando DIAZ -FERNANDEZ, théologien, missionologue, curé de la paroisse Na Señora del Pilhar, à Puerto Dominguez
19.Entretiens avec Reto WEISS, Jorge DEVI, Juan R., et les membres de l’équipe paroissiale.
20. Entretiens avec Pedro BLANCO, et autres lonkos de Quechukawin, (intermed. Fernando DIAZ).
21. Entretien avec Griselda QUILLAPAN, machi à Quechukawin, (intermed. Fernando DIAZ)
22. Entretien avec Juana VEJAR-LEFIO et Emilio PAINEFIL-CALFUQUEO Ã Puerto Dominguez.
23. Films -Videos des machitunes
24. Violente tempête sur lac et les alentours,et rêve de l’actualisation du Mythe de Tren-tren et de Kai-kai.
Un véritable déluge. Un vent par rafales qui arrache tout ce qui ne tient pas solidement. Un malaise s’installe au bout de 48 heurs. Nuit agitée, le vent passe à travers les fentes entre les planches. Secousses : »un simple cariño » me dira-t -on le lendemain en riant. Ils en ont l’habitude. C’est constant. Mais le souvenir du terremoto et maremoto de 1960, qui a emporté la moitié de Puerto Dominguez et de ses habitants, restent dans la mémoire. Pour calmer la fureur des serpents telluriqueTout le monde reflue vers le Tren-tren déjà en train de monter. Je tache de passer inaperçu, car les Huincas sont refoulés. Je reconnais Pedro Blanco. Il me dit que Fernando est resté sur la colinne de la paroisse avec les catholiques pour une messe. Les Mapuches ici sont traditionnels, et ils se concertent concernant l’éventualité d’un sacrifice humain. Blanco me fait comprendre que ma discrétion n’a servi à rien, je suis démasqué, mais on me garde pour servir éventuellement de victime sacrificielle. Cela me surprend quand même un peu, car cette victime doit être « innocente ». Seul un guagua peut faire l’affaire. Ce que je souligne. Mais ils me considèrent comme innocent car ignorant de leurs mystères.
Je suis pris au piège. Si je refuse mon lot de victime en me disant non innocent, je suis noyé (rejetté à l’eau) ou alors brûlé (on me refuse un chapeau). Si je l’accepte, on m’ouvrira le thorax d’un coup de couteau en silex, et on m’arrachera le couer palpitant. Perspective peu commode. Pas d’autre solution que de me réveiller de ce foutu cauchemar, et veiller le restant de la nuit.
25. Lecture et discussion de la thèse de doctorat de Fernando DIAZ: pas tellement difficile d’être d’accord sur les références de départ, cad la perspective sacrificielle selon Girard, Bataille et quelques autres. Remplacement de la violence sauvage par une violence culturelle. Les mimésis en jeu dans le passage du laïc au sacré. Le sacrifice dans les rogations ou Nguillatun. Le sacrifice de la Machi dans les transes. Les pratiques symboliques des Mapuches lors des « parlements » avec les espagnols. Leur refus actuel d’utiliser des armes automatiques dans leur conflit avec les Huincas (les envahisseurs).
Troisième semaine: Temuco, Maquehue, Chol-chol.(lettre à Fernando Diaz)
26.Documentation du Musée de l’Araucanie , Casa de la Mujer et Centro de Diagnostic y de Tratamiento de l’Hopital regional de Temuco.
27. Lecture de Luca CITARELLA « Medicina y culturas en Araucania ».
28. Rencontre avec Juanita QUIRIBAN , machi à Huicachue (puente Quepe)., cérémonie de purification.
29. Rencontre avec Miguel Angel SOLAR , et patients mapuches, à la Clinica Methodista à Temuco.
30. Rencontre avec Dr. Jaime IBACACHE , et patients mapuches, au « Consultorio de la Asociacion indigena para la Salud » , Hopital de Maquehue (Makewe).
31. Rencontres avec Nicolas GISSI BARBIERI, Tania SOLAR LOPEZ et Carmen PADILLA , Fundacion Nacional por le Superacion de la Pobreza, Consultorio Rural, Programa Servicio Pais à Cholchol.
32. Rencontre avec Myriam AEDO MOLINA,sa fille Jeni TAPIA et son mari, ancien sous-marinier.
33. Rencontre avec Jimena MILLANAO, machi à Los Duraznos, (intermed. Nicolas GISSI): en soirée, à la tombée de la nuit. Les prés sont inondés, la rivière déborde. Marécageux. Evocation du Nakin, l’enfant des marais qui attire les égarés et les étouffe dans la boue.
La famille de Jimena fait bon accueil. L’ evocation de « la bella rubia » met de bonne humeur. Elle parle de sa clientelle actuelle mapuche et huinca. Différences irréductibles, car les derniers n’entendent pas les « antepasados en los peuma ». Par ailleurs, la clientelle des machis va chez les meicos et les médicos. Les machitun coûtent trop cher: dans les 80.000 pesos (près de 7.000 francs belge).Les paysans s’appauvrissent. Leur rancoeur augmente à l’égard des colons huincas qui ont les « bonnes terres ». L’ennui, c’est que ceux-ci ne sont pas impressionnés par les sorts que leur jettent les kalku. Elle-même est impuissante à se soigner elle-même. Son éléphantisis de la jambe gauche date de l’age de 16 ans, et est contemporain de sa « llamada ». Il résiste à tous les traitements traditionnels. Elle consulte le médico qui propose de la « petite « chirurgie: drainage de lymphatiques (S’agit-il d’une filariose ?) Elle préfère continuer avec du massage aux herbes et drainage postural.
Elle efectue surtout des divinations a partir de l' »orina y la prenda », jamais la « foto », elle laisse cela à « la Hilda ». Elle le prend assez à la légère (ce soir) avec la tradition. Elle ne connait pas vraiment son fileu (vileo) En tout cas, ce n’est pas un pillan, mais plutot un antepasado. En fait elle s’y perd un peu entre « antepasados, abuelitos, fileu, pillan », et « ngenechen » quant à la cause de son appelido. En tout état de cause elle invoque « ngenechen », c’est plus sur, et il les domine tous. Quant à sa trance, ca ressemble aussi bien à une présence possédante qu’à un voyage de l’âme. C’est l’un ou l’autre, l’un et l’autre, et, au fond, cela n’a pas tellement d’importance pour elle. Il suffit que le perimontum marche, que la vision opère pendant la trance. Elle dit les mots que lui dicte sa vision, son mari traduit pour la famille, et quand elle sort de la trance, elle ne se souvient pas de ce qu’elle y a vu. Impossible dès lors de faire ces nuances distinctives dont raffolent les anthropologues…
34. Rencontre avec Hilda COILLA DOMUINGUAL , machi à Pitraco, (intermed. Myriam AEDO):
Le chauffeur local nous amène au plus près, et ensuite, comme à chaque fois, il reste un long chemin à faire à travers prés et boue. La cour de la Hilda témoigne d’un certain confort. Elle est riche.
Elle a deux rewe de « siete espaldas », et les flacons d’urine sont nombreux à témoignerde son succès.
Pendant plus d’une heure, Myriam et moi faisons la causette avec les clients, sous l’auvent en tôle de son « consultorio », autour d’un brasero allumé. Des chiens et les volailles de basse-cour sont de la compagnie. Myriam a apporté un thermos de « maté » et des tasses. Ca réchauffe les mains et les contacts. Donc, on pappotte. Il y là un jeune payson de 25 ans qui grelotte sous sa manta brune: il vient pour des problèmes urinaires et des douleurs dans les jambes.,Une femme de la quarantaine, en manteau épais, familière du premier est dure d’oreilles. Le troisième, un cavalier venu avec sa monture, le sombrero de paille protégé par un plastique transparent, vient pour un problème gynécologique de sa femme. (A dév.)
La Hilda fait une première apparition. Elle a 32 ans et les fait. Bonne balle, teint campagnard, traits vigoureux, gabarit enveloppant. Sanglée, bien droite comme une marquise sûre d’elle-même, dans une robe à petites fleurs multicolores et brodée de volants. (Style bonniche espagnole, comme les autres. C’est pas gentil de dire ça, mais c’est ce que je pense sur le moment). Elle est assez sympa malgré ses grands airs. Tout compte fait, elle essaye de tenir le cap d’une fonction en péril.
C’est ce qu’elle dit. Il y a une forte concurrence actuellement de la part des « naturistas » qui vendent des herbes à tire-larigot. Les machi et les meicos n’en cnnaissent qu’une trentaine, elle dit en utiliser plus de troiscent. Elle est une lawentucefe reconnue par les médecins du consultorio rural. Elle intègre même des médicaments huincas dans son arsenal. Il s’agit de médicaments contre les fièvres, des analgésiques, des antiacides, des pansements gastriques, des pommades antiseptiques, de l’aspirine, etc. Elle donne également des conseils diététiques. Elle pratique de temps en temps un machitun « doble », mais uniquement avec des familles qui savent subvenir aux frais, car il faut nourrir plus de douze participants pendant les 48 heures de durée du rituel, outre les honoraires de la machi. (On connait le prix donné par la Jimena, celui de la Hilda est pareil).
On refait la liste des agents causes de frayeur « susto », »espanto » qui est d’après elle, la source la plus fréquente des meaux dans cet endroit;
Anchimallen (l’enfant aux yeux brillants), Chercufe (la lumière passagère dans le ciel, de mauvaise augure), Chon-chon (grand perroquet à tête de sorcière), Kwé-kwé (oiseau volant dans l’obscurité et se transformant en pierre quand il tombe), Nakin (l’enfant des marais qui y attire et étouffe les égarés), Ngurruvilu (le renard couleuvre, de mauvaise augure), Piwichen (l’oiseau à cou de serpent), Wallipen (une brebis ou un autre quadrupède comportant une déformation physique, transmissible par le regard), Witranalwe (esprit maléfique anthropomorphique). Il s’agit là de la grande famille des Wekufu, êtres démoniques manipulés par les « bruchos » ou kalku.
(A développer)
Retour de Chol Chol.
Je viens de descendre du bus rural de retour de Chol Chol. Je sens la transpiration, l’ alcool et les essences robustes « del campo ». Le bus était bourré, et chacun s’ impregne copieusement de la « chaleur humaine »de ses voisins avec un échange inévitable de molécules puissantes de phérormones et de quelques microbes et virus de surcroit.
Pas moyen de s’ asseoir. Pas moyen de chuter non plus, on est solidement soutenu par le corps-a-corps « fraternel ».Pas moyen non plus de s’ y ennuyer, le spectacle est coloré, pittoresque et changeant.Le plus etonnant est l art des paysans de se caser dans ce bus exigu avec tout leur equipement, leurs produits et achats, les poulets et les legumes, leurs vieux et les marmots.Ce qui en fait une prouesse est que les hommes ne quittent pas leurs chapeaux a large bord.C est tout un art de caser la tete sans se faire cisailler l oeil ou l oreille d un coup de bord de feutre dur comme cuir.A chaque arret,et il y en avait vraiment beaucoup, tout ce petit monde s agite avec patience et bonne humeur pour laisser descendre les uns et monter les autres. On pousse pour que ca passe! A chaque fois les montages de gens et de choses sont defaits et recomposes avec des variations subtiles selon les nouveaux arrivages, la consistance et l encombrement des ingrediants. Finalement l arche de Noe est arrivee a bon port, et me revoila rebranche sur le Web, pour la causette avec toi.
Le sejour a Chol Chol etait tres court mais tres intense. Je me suis retrouve dans une petite pension rurale tres sympathique ou logent, outre une famille de six personnes avec trois chiens et deux chats, l anthropologue Nicolas Gissi et plusieurs autres collaborateurs du dispensaire rural ainsi que des ouvriers agricoles bien rustiques.Cela fait beaucoup de monde a table et une longue file d attente devant l unique micro salle de bains. C est le genre de gentille promiscuite qui entraine beaucoup d echanges, de rires et des situations coccasses, mais qui empeche aussi de dormir tout son saoul, car on rit audela de minuit et les ouvriers se levent a cinq heures du matin…Inutile de dire que je ne suis pas de premiere fraicheur. Mais je me suis bien amuse, j ai appris des tas de choses sur la region et j avais vraiment l impression d’ etre « dans » le pays d Araucanie!
L ‘apres midi j ai fait le connaisance des gens du dispensaire, et le soir Nicolas m a amene voir « la Jimena »,une des Machi du coin.
Elle vit vraiment au bout du monde et pour y arriver il faut passer, ou plutot patauger,dans l obscurite a la lueur d une lanterne, a travers des pres detrempes et des champs de boue dans laquelle s enfoncent les pieds jusqu aux chevilles. Un bain de boue revigorant pour les rhumatismes! La famille de la guerisseuse vit miserablement qui se consume lentement dans un brasero archaique comme unique moyen de chauffage. L eclairage est assure par une bougie. C est une ambiance tout a fait moyen -ageuse. Grace a Nicolas, le contact etait excellent et l echange avec la chamane etait tout a fait collegial: on s est echange des recettes d exorcisme. Dans ce pays l interpretation des reves est une pratique tout a fait quotidienne, banale et partagee en famille. L inconscient s y pavane a ciel ouvert: un regal pour un psychanalyste!
Apres une courte nuit, j ai ete guide par la matrone de la pension a travers bois et campagnes aupres de l autre machi du coin, » la Hilda », rivale competante de la precedente. Il fallait que les deux visites soient suffisament rapprochees pour que la nouvelle de ma visite a la Jimena ne parvienne pas aux oreilles de la Hilda avant mon arrivee, sinon elle n aurait pas accepte de me recevoir. Tout s est tres bien passe. Je suis reste toute la matinee sur place, les patients sont passes aux confidences, la Hilda a effectue ses interpretations en ma presence, et finalement elle a longuement parle de son art, de ses traitements et de ses relations avec les centres hospitaliers de l’endroit. D’après mes informateurs sa prolixite de ce jour contraste singulierement avec sa mefiance et son silence habituels. J ‘ai appris a la fin de l entretien la raison de son bon acceuil: un reve lui avait annonce l arrivee d un machi « hermano » venu d europe avec comme signe distinctif une barbe blanche et un bonnet noir sur la tete. Il m est difficile d y croire mais c est quand meme curieux comme coincidence. Pour l occasion elle a mis sa plus belle robe. Comble du comble, apres quelques reticences et recommandations elle a accepte de se laisser photographier ainsi que son Rewe, son autel particulier qui est l echelle par laquelle elle monte a la rencontre des divinites tutelaires, Il m a fallu respecter des consignes precises, photographier sous un angle bien determine eu egard a l orientation par rapport au Rewe et par rapport aux points cardinaux. C est, m apprend elle , un grand risque pour elle de se laisser photographier. En effet, un machi rival ou un kalku, c est a dire un sorcier, peut facilement se servir de ces photographies pour lui lancer efficacement un sort, qui peut entrainer pour elle le retournement de ses pouvoirs magiques contre elle- meme, la maladie ou la mort. Tu devines bien l ambiance inquietante pour les habitants de ce monde qui est un reseau complexe d influences benefiques ou nefastes, toujours reversibles, ou chacun est a la merci de l envie ou de la malveillance d autrui.Dans leurs pratiques curatives il s agit sans doute d efficacite symbolique mais en ce qui concerne la production des maladies, les Wekutran ou le Daño, c est surtout l’efficacite imaginaire qui entre en scene avec son grand cortege des fantomes, esprits et autres revenants.
Ainsi que tu peux le constater, le « terrain ne fait pas defaut » comme le disent les ethnologues. Maintenant, je vais refermer mon carnet de notes. J en ai assez vu et entendu. Ma curiosite est saturee …momentanément!
Conclusions provisoires:
Ont été recueillies sur le terrain quelques trentre-trois unités d’information, constitutives du terrain proprement dit, parmi lesquelles un peu moins de la moitié, soit douze, sont d’origine mapuche.
Identité des Mapuche.
1. Ce qui est déterminant: l’attachement à la terre, au milieu naturel, au monde des forces telluriques, chtoniques, cosmiques.Mapuche signifie les gens (che) de la terre (mapu). La terre se manifeste comme en constante activité. De temps en temps, le mouvement des forces en jeu s’accélère, s’exagère, rompt l’équilibre, et se déchaine: tremblements de terre, glissements de terrains, éboulements de flancs de montagnes, éruptions volcaniques (Villarrica 1989), tempêtes et raz de marée (Puerto Dominguez sur le Lago Budi 1964) sont autant de manifestations des forces du Mapu.
On peut interpréter les forces du Mapu (les serpents Tren-tren et Kai-kai ) comme figures du Réel, au sens de l’indicible et de l’inimaginable qui fait intrusion dans la Réalité humaine comme violence destructrice.
2. L’autre référence de l’identité Mapuche est l’autre, l’étranger en qualité d’envahisseur, de voleur de terres, de colon: les Incas venus du Nord, les Espagnols de la Conquista, les armées de la « Pacification », les colons et carabiniers de la république Chilienne. Tous sont désignés par le vocable Huincas. Les Mapuches se battent depuis tellement longtemps contre les Huincas, que ce combat a fini par s’inscrire dans leur identité. Les Incas leur ont donné le nom de Araucas, cad, d’insoumis sauvages. Il n’ont cessé de résister, de se révolter de se battre contre ceux qui leur enlèvent leur référent le plus précieux: leur Mapu ancestral.
Cosmovision des Mapuche.
La cosmovision constitue la référence contextuelle, leur cadre d’existence, les conditions de possibilité de leur identité. Leur représentation du monde se lit en verticalité et en horizontalité.
Verticalité: sept mondes ou Mapu, horizontalement: quatre régions
WENU-MAPU 7me niveau: Melinom Mundo de Ngenechen, Chau-Dios
6 me niveau: Kulanom Sol (Antu), Luna (Killen), Estrellas
5me niveau: Epinom
4me niveau: Kinenom
ANKA-MAPU 3me niveau Mundo de las almas, del pensamiento, de los sueños, de la magia,
del machi, del kalku, de las enfermedades , de los anchimallenes, de los chewerfe, etc.
FUTA-MAPU 2me niveau Lafkenmapu : la tierra de la mar y la gente Lafkenche
NAG-MAPU (Al Norte: Picunches, al Centro:Araucanos, al Sur: Huilliches)
Nulumapu (Lelfun mapu): la tierra de los llanos y de la gente
Lelfunche ( al Norte: Picunches, al Cientro: Araucanos, al Sur:
Huilliches
Pehuenmapu (Inapiremapu): la tierra al occidente de la
cordillera (Piremapu o tierra de las nieves) y la gente Pehuenche.
(Al Norte: Chiquillanes)
Puelmapu: la tierra al oriente de la cordillera (Piremapu) y la gente Puelche
MINCHE-MAPU 1er niveau Mundo de Abajo: monstruos, culebrones, que se encuentran en el Anka-Mapu (terremotos, maremotos y ventoleras). Pullan, pulliam, spiritus de sabios.
En los Renu se encuentran los Wekufe y Kalku
Bibliographie.
ALDUNATE DEL SOLAR Carlos, Cultura Mapuche, Div. de Extension Cultural del Ministerio
de EducacÃon, Museo chileno de Arte precolombino, Santiago 1986.
BENGOA José, Historia de un conflicto. El estado y los Mapuches en el Siglo XX. Planeta chilena/Ariel, Santiago 1999.
BUSTAMANTE VELOSO Alejandro, Cultura Mapuche: Tiempo y espacio miticos. Ed Burrows F. y Rojas V., PontiF. Univ. Catol. de Chile, Villarrica, 1993
CASTRO G. Omar y MERINO PEDREROS Guillermo, Escultura Mapuche, Imprenta Alvarez, Temuco, 1976.
CITARELLA Luca et al., Medicinas y Cultura en leaAraucania, Ed. Sudamericana, Santiago,
1995, 2000.
DE AUGUSTA Felix Jose, Breve diccionario español-mapuche, Ed. Seneca, Santiago, s.d.
DE MöSBACH Ernesto Wilhelm, Botanica indigena de Chile, Museo chileno de Arte precolumbiano, Editorial Andres Bello, Santiago s.d.
DIAZ FERNANDEZ Jose Fernando, « Elementos culturales determinantes » in El proyecto histórico del pueblo Mapuche. Una lectura misionológica desde un horizonte no-sacrificial. Tese de Doutor em Teologia, (prom.Suess Paulo), Pontificia Faculdade de Teologia Nossa Senhora da Assuncão, São Paulo,Brasil 2000, pp. 157-218.
DOWLING DESMADRYL Jorge. Religion, chamanismo y mitologÃa Mapuches, Ed. Universitaria, Santiago 1971,1973.
FARON Louis C. The Hawks of the Sun, Univ. of Pittsburgh Press, 1964, tr.esp. Antüpaiñamko: Moral y ritual Mapuche, Ediciones Mundo, Santiago, 1997.
FOERSTER G. Rolf, Introducción a la religÃosidad Mapuche, (1993), Editorial Universitaria, Santiago, 1995.
GARCIA PENAFIEL Mauricio, Una interpretacion Psicoanalitica de la mitologia chilota , Mémoire de Licence en Psychologie, (prom. Gissi Bustos J.), Fac. de Psicologia, Universidad Catolica del Chile, Santiago, 1990
GARCIA PENAFIEL Mauricio, Peur et projection: la maladie du « susto » au Chili. Mémoire de Licence complémentaire en Psychologie, (prom. Steichen R.), Fac. de Psychologie, Univ. Cath. de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1995
GARCIA PENAFIEL Mauricio, L’altérité, le regard et la réciprocité. Les représentations culturelles de la souffrance dans la culture populaire chilienne: approche anthropo-psychanalytique, Thèse de doctorat en Psychologie, (prom. Steichen R. ), Faculté de psychologie, Univ. Catohol. de Louvain,
Louvain la Neuve 1999.
GREBE VICUNA Maria Ester, Culturas indigenas de Chile: un estudio preliminar. Ed. Pehuen, Santiago 1998.
GISSI BUSTO Jorge, « Psicosociologia de la Pobreza », in Cuadernos de Psicologia, n°5, Pont.Univ. Catol. de Chile, Fac. de Ciencias Sociales, Escuela de Psicologia, Santiago 1986,réed.1992.
GISSI BUSTOS Jorge, « Identidad Latinoamericana », in GISSI J.,LARRAIN J. y SEPULVEDA F.,
Cultura e Identidad en America Latina, Instituo Chileno de Estudios Humanisticos (ICHEH), Santiago 1995, pp.73 – 112.
GISSI BUSTOS Jorge, Identidad Latinoamericana: Psicologia y Sociedad, Psicoamerica Ediciones, Santiago, 1989.
GISSI BUSTOS Jorge, Psicoantropologia de la Pobreza: Oscar Lewis y la Realidad Chilena,
Psicoamerica Ediciones, Santiago, 1990
GISSI BUSTOS Jorge, « Identidad Nacional Chilena », in GONZALEZ VARGAS C. et al, Juegos tradicionales y su valor educativo, Univ. Catol. del Chile, Fac. de Filosofia, Inst. de Estetica,
Santiago, 1998, pp.3-24.
GISSI BARBIERI Nicolas, Aproximacion al conocimiento de la memoria Mapuche-Huilliche en San Juan de la Costa, Tesis de Antropologia Social, (prom. Foerster G. R.), Univ. Catol. de Chile, Fac. de Ciencias sociales, Dept. de Antropologia, Santiago 1997
HIDALGO L. Jorge, SCHIAPPACASSE F. Virgilio, NIEMEYER F. Hans, ALDUNATE del S. Carlos, MEGE R. Pedro, Culturas de Chile. Etnografia. Sociedades indigenas contemporeanas y su ideologia.
Ed. Andres Bello, Barcelona, Buenos Aires, Mexico y Santiago de Chile, 1996.
KOESSLER Bertha, Cuentos Mapuches de la Cordillera. Ed. Nuevo Extremo, Buenos Aires y Ed. Mundo, Santiago, 1997.
MORRIS VON BENNEWITZ Raul, GEDDA O. Juan Carlos y GEDDA O. Manuel, Mapuche Silver,
Editorial Kactus/Sipimex, Santiago de Chile,1994.
MONTECINO Sonia y ROMERO ANTIVIL Carmela, Sueño con menguante. Biografia de una Machi.
Ed. Sudamericana, Santiago 1999.
PINO Y., Cuentos Mapuches de Chile, Ed. Universitaria, Santiago 1987.
SALAS ASTRAIN Ricardo, Lo Sagrado y lo Humano. Para una hermeneutica de los sÃmbolos religÃosos, Ediciones San Pablo, Santiago 1996.
SALAS ASTRAIN Ricardo, « Sabiduria Mapuche, modernizacion e identidad cultural », in Parker C. et al., ¿ Modernizacion o Sabiduria en Tierra Mapuche ?, Ediciones San Pablo, Santiago 1995, pp. 137-169.
SCHULTZ OYANEDER Liliana , Iconographia Mapuche, Ed. L.O.S., Santiago 1999.
SIERRA Malú, Donde todo es altar: Mapuche, gente de la Tierra, Ed. Persona, Santiago 1992.
