Guérisseurs des Andes

Guérisseurs des Andes.
Thaumaturges traditionnels
Données rassemblées par Dr. Robert STEICHEN,
état du 20 mai 2000

La présente synthèse est basée sur une revue sélective de la littérature spécialisée et sur nos propres recherches auprès des guérisseurs traditionnels et de leurs clients lors de séjours sur leurs terrains au Perou (1989), en Bolivie (1994), en Equateur (1995) et au Chili (2000). Notre perspective est celle d’une anthropologie clinique.
Nous n’adhérons pas à l’usage généralisé du terme chaman pour désigner les guérisseurs andins, tel que proposé par Michael HARNER et d’autres à sa suite. Rappelons que la première édition en anglais de l’ouvrage de HARNER a été publié aux USA en 1980. L’édition espagnole d’abord imprimée à Mexico en 1993, est diffusée dans les pays andins depuis 1994 (HARNER M., La senda del Chaman., Planeta Colombiana Editorial, Santafé de Bogota, 1994, 1980). Tout comme d’autres ouvrages d’orientation ethnologique, l’ouvrage est de HARNER est lu et commenté dans le milieu des guérisseurs traditionnels et produit depuis lors des effets d’imitation. Nous avons au moins trois raisons de nous abstenir de l’usage du terme chaman sur ce terrain. D’abord, ce terme ne figure pas dans le vocabulaire vernaculaire des sociétés Andines : il est hétérogène au terrain et son usage aliène les agents de la santé locale par rapport à leur contexte. Ensuite, le modus operandi des shamans sibériens et ouzbeks (HAYAMON Roberte and FRANCFORT H.P., eds, The Concept of Shamanism : Uses and Abuses, Akademiai Kiado, Bibliotheca Shamanistica X, Budapest, 2001, et HAYAMON R., Chamanismes, PUF, Quadrige/Diogène, 2003) n’est pas transposable tel quel aux pratiques andines. Enfin, il n’y a aucun gain intellectuel ni pratique à employer un terme généralisateur et imprécis qui annule les catégories locales, lesquelles permettent aux usagers de s’orienter vers les agents de santé qui leur conviennent spécifiquement.
La diffusion mondiale de la mode du neochamanisme et le développement du tourisme chamanique pour clientèle occidentale, entraîne l’apparition actuelle dans les pays andins de chamanes auto-proclamés. Il s’agit de guérisseurs traditionnels qui se recyclent dans des pratiques neochamanistes spectaculaires, folkloriques et photogéniques pour répondre aux demandes des touristes avides de chamanisme, en quête d’ésotérisme, de communication universelle et cosmique. La reconversion des curanderos, yachac et yatiri en chamans entraîne une évidente abatardisation des représentations et pratiques mais comporte au moins l’avantage de susciter un regain d’intérêt pour ces pratiques, d’apporter des revenus aux praticiens et d’assurer de la sorte la persistance au moins partielle de savoirs et de pratiques traditionnelles qui étaient ces dernières années en voie de disparition.
La synthèse qui suit est extrêmement schématique et uniquement destinée à servir d’introduction à la lecture de monographies spécialisées.

Altomisayoq : spécialiste rituel andin du plus haut grade, doté du pouvoir de convoquer les Apus et la Pacha Mama. Il a le pouvoir de guérir et solutionner les déséquilibres cosmiques il détient un savoir révélé, transmis par les dieux : il est l’instrument des Apus. (CACERES Efrain Ch. Si Crees, los Apus te curan. Medicina Andina e Identidad Cultural, Centro Medicina Andina, Cusco/Peru, 1988, nota 19, p.77)

Ayahuasquero, ayawaskero : devin compétent en matière de transes induites par la prise de l’hallucinogène ayahuasca. Ce mot quéchua signifie « vigne des morts » ou « liane de l’âme ». Il désigne à la fois le breuvage et la liane ligneuse qui constitue l’ingrédient principal de la mixture. Le breuvage est encore appelé yagé ou yajé en Colombie et caapi au Brésil. Le nom scientifique de la plante ayahuasca est Banisteria caapi, une des nombreuses espèces connues de Banisteriopsis de la famille des Malpighiaceae. L’aire d’usage de l’ayahuasca s’étend du nord-ouest de la Colombie jusqu’aux plaines de la Bolivie, et des Andes de l’ouest jusqu’à la Guyane britannique et le Brésil. (HARNER Michael, Hallucinogènes et chamanisme, ed. Originale 1973, Georg Editeur, Genève, 1977)
La mixture rituelle comporte outre la liane des adjuvants hallucinogènes variant selon les tribus :la Prestonia, la Psychotria, la Chacruna, et d’autres non identifiés.
L’initiation des ayahuasceros est connue suite à la publication de l’histoire de Manuel CORDOVA-RIOS (1887-1978) par LAMB Franck Bruce, Un sorcier dans la forêt du Pérou, Ed. originale américaine en 1971, tr.fr. Ed. du Rocher/Le Mail 1996 et Au delà du Rio Tigre, ed.or.américaine en 1985, tr.fr. Ed du Rocher/Le Mail 1997)
Voir notes du rite de l’ayahuascero de passage à Pisac, Perou 1985. Le rite complet qui s’étend sur quelques semaines comprend l’instruction, le régime de diète ( blancs d’oiseaux, bananes cuites, patates écrasées) suivie de la dépuration (purga par ingestion de plantes purgatives produisant vomissements, diarrhées, tachycardie, sueurs, fièvre,..), la retraite dans la forêt, et finalement la prise du mélange hallucinogène.
Le mélange d’ayahuasca (contenant la DMT) et d’adjuvant (généralement la chacruna qui contient de l’harmaline, additionnée de « toe and tabacco ») est préparé sous la supervision de l’ayahuascero dans un chaudron sur feu continu à ciel ouvert pendant la demi-journée qui précède la prise.
L’effet escompté est la possession de l’usager par les esprits de la liane. Les visions seraient les chants (icaros ) de l’esprit de l’ayahuasca. « Ayahuasca is a teacher, shaman, professor : drinking ayahuasca is like going to school to learn about medicine. It teaches us how to use different plants in the aim to hear the chants (icaros) of the plants (of the spirits of the plants). The ayahuascero must know the icaros (tunes) and marinis (words) of many spirits able to heal. » selon BEAR Jayn, « Ayahuasca Shamanism : An Interview with Don Agustin Rivas-Vasquez », in Shamans Drum, A Journal of Experiential Shamanism, n° 44, Ashland Or, March/May 1997, p. 43-51.
Dans le rituel des huayasceros Shipibo, la prise comporte un rite strict : elle est opérée la nuit, dans une case close, en collectivité sous la supervision constante de l’ayahuasquero, lequel participe à la prise. La callebasse du breuvage fait le tour des participants et chacun boit autant de gorgées qu’il faut pour vider la callebasse. Effets immédiat : nausées, spasmes, sensations éphémères, visions de couleurs lumineuses, formes abstraites, abolition du temps, puis visions d’animaux de la forêt (félins, oiseaux, animaux rampants, insectes, serpents,…) et images de la nature. Au terme d’une dizaine de minutes les participants se mettent à chanceler, puis balancer le corps et fredonner des chants. Ces chants sont sur le motif narratif des icaros traditionnels et sacrés du groupe. Ces chants seraient « destinés à orienter le flot des visions vers les canaux voulus » (LAMB, 1996). Les participants sont accompagnés d’un tambour qui impose le rythme à leur chant et d’un conducteur de chants qui soutient et oriente les paroles de chacun. L’objectif est de constituer une transe collective ordonnée, avec forte participation orale et faible implication gestuelle, visant l’instauration d’une épopée collective, à laquelle chacun collabore avec ses visions propres. L’ensemble du mythe reconstitué met en scène les acteurs du monde des esprits de la forêt (puma, condor, anaconda) en position d’instructeurs et les humains en position de récepteurs de l’enseignement. La transe se termine en somnolence ou profond sommeil sur place. (Voir références bibliographiques in ESCANDE Gregory, Contribution méthodologique à une anthropologie clinique : cas d’une pratique thérapeutique en Amazonie péruvienne, DEA en Psychologie, PSP/UCL, sept 2000, p. 115 à 143).
A la limite de la selva amazonienne du Perou, l’équipe du Centre Takiwasi sous la direction du médecin français Jacques MABIT (voir sa communication au séminaire de l’ARAC le 4 novembre 2000), les pratiques traditionnelles sont récupérées et introduites dans un protocole mixte médico-ayahuascero- psycholothérapeutiques mis en œuvre pour le traitement de jeunes occidentaux dépendants de drogues dures : voir enquête de G. ESCANDE sur place en 2001.

Brujo (espagnol) : sorcier, appelation générale (péjorative) donnée localement à tous les agents de santé impliqués dans des cures magiques. Cfr. Calle de los Brujos à La Paz.
Un brujo peut tout aussi bien fonctionner comme curandero que comme malero. L’appréciation de la signification en bien ou en mal d’un sort (dano) qui cause la maladie ou le malheur doit être pris en considération dans son contexte.
L’étude de la causalité de la maladie du susto et de la sorcellerie au Chili, indique que la fonction sociale du sorcier serait de sauvegarder la règle de la réciprocidad dans les communudades : voir Mauricio GARCIA, L’altérité, le regard et la réciprocité. Les représentations culturelles de la souffrance dans la culture populaire chilienne : approche anthropo-psychanalytique, thèse de doctorat, promoteur R. Steichen, Faculté de psychologie, Université de Louvain, 1999.
Pour l’implication personnelle du chercheur anthropologue sur la sorcellerie dans son terrain, voir FAVRET-SAADA Jeanne, Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage normand, Gallimard, Paris 1977 et FAVRET-SAADA J. et CONTRERAS J., Corps pour corps, Gallimard, Paris 1981.

Callawaya, Kallawayas (quéchua) ou k’amilis (aymara) : « curanderos yerbateros ambulantes » . Selon J.R. Rivas, Medicos y brujos en el alto Peru, Ed. Los amigos del libro, Encyclopedia boliviana, La Paz-Cochabamba 1989, 113. Ces guérisseurs des abords du lac Titicaca, et plus précisément de la province Bautista Saavedra (chef lieu administratif Charazani) dans la Sierra Apolobamba, sont encore appelés jampiris ou jampicuc, ou herbolarios, maychas, médecins voyageurs que l’on retrouve dans toute l’aire andine.
Reconnaissables à leur bandeau frontal huincha pour les femmes et leur sacoche médicale alforja pour les hommes. (Lonely Planet, p.182). Ont la connaissance d’une vaste pharmacopée et travaillent sur l’équilibre des forces vitales dites ajallu (GIRAUD Louis, Kallahuaya, Curanderos itinerantes de los Andes.)
D’après RÖSING Ina, ethnologue allemande qui a travaillé de nombreuses années sur le terrain, « Der Callawaya ist ein Heiler (jampiri, jampej), ein Medizinmann (medico, curandero), ein Weiser (paco) oder Wissender (yachaj) im Bereich von Heilkräutermedizin und/oder ritueller Heilung, er stammt aus einer langen Familieltradition von Heilern oder ist auch ein (neuer) Berufener durch die Kraft des Blitzes (illapi), er ist entweder sesshaft, oder er zieht jährlich mehrmals hinaus in andere Regionen. Er kann die Opfergaben bereiten für Mutter Erde und Orte der Kraft, und diese Bereitung vor allem mit Gebet begleiten. Es ist ganz wesentlich das Gebet, die Ritualsprache welche den Calawaya auszeichnet. » (in Dreifaltigkeit und Orte der Kraft : Die weisse Heilung. Nâchtliche Heilungsrituale in des Hochanden Boliviens, Mundo Ankari, Franz Greno, Nördlingen, 1988., p. 66 et suiv.)

Chamacanis (quéchua : ceux qui apportent l’obscurité) : brujos dotés de pouvoirs maléfiques supérieurs capables d’engendrer la mort ou des désastres économiques, mais aussi apporter la bonne fortune. (LUIS-BLANC, 1994, p.21)

Curandero (espagnol) : signifie « guérisseur ». Titre donné dans les pays andins à tous les intervenants de la santé qui par les herbes, la magie, les prières et/ou rituels, promeuvent la santé. Correspond au medecine-man décrit par SIGERIST H., An History of Medicine. Primitive and archaïc medicine, Oxford University Press, New York, 1951. Actuellement de plus en plus assimilé de manière générale et abusive aux chamanes.

Hechiceros : variété néfaste de Brujos. Praticiens de magie noire, faisant appel au diable supay pour posséder les victimes et les terrasser d’un mal, le plus souvent de nature mentale. (CASTRO MEDINA L., Folklore medico , Publicacion Ecisa, 1960)

Huatoc (quécha) : devins de l’époque inca, dont la spécificité dépend de la nature du support divinatoire suivi du suffixe ricuc lequel signifie « celui qui voit ». Les callparicuc interprètent les entrailles des cobayes, les huirapiricuc lisent dans la fumée de tabac et de la crémation des animaux, les achicuc lisent dans feuilles de coca et les grains de maïs, les pajcha-ricuc interprètent les mouvements des insectes et des araignées. ( LUIS-BLANC François, Médecins et chamanes des Andes , L’Harmattan, Paris 1994, p. 21).

Jampicuc (quéchua : celui qui guérit) : fonctionnaires de l’époque inca, chargés des prières aux morts, au soleil et à la lune, de recueillir les plaintes quotidiennes des gens du peuple, de conseiller et administrer des plantes thérapeutiques

Jampiri, jampej (quéchua) : guerisseur traditionnel par les herbes et les rites, synonyme de curandero, appliqué notamment aux callawaya (voir plus haut)

Machi (mapuche) : terme utilisé pour désigner les guérisseurs traditionnels des Mapuche d’Araucanie, qui se réfèrent à la cosmographie traditionnelle et à l’organisation sociale de la comunidad.
Voir recherche sur le terrain en mai-juin 2000. Rencontre avec Jimena MILLANAO, machi à Los Duraznos, (intermed. Nicolas GISSI): en soirée, à la tombée de la nuit. Les prés sont inondés, la rivière déborde. Marécageux. Evocation du Nakin, l’enfant des marais qui attire les égarés et les étouffe dans la boue. La famille de Jimena fait bon accueil. L’ évocation de « la bella rubia » met de bonne humeur. Elle parle de sa clientelle actuelle mapuche et huinca. Différences irréductibles, car les derniers n’entendent pas les « antepasados en los peuma ». Par ailleurs, la clientelle des machis va chez les meicos et les médicos. Les machitun coûtent trop cher: dans les 80.000 pesos (près de 7.000 francs belge).Les paysans s’appauvrissent. Leur rancoeur augmente à l’égard des colons huincas qui ont les « bonnes terres ». L’ennui, c’est que ceux-ci ne sont pas impressionnés par les sorts que leur jettent les kalku. Elle-même est impuissante à se soigner elle-même. Son éléphantisis de la jambe gauche date de l’age de 16 ans, et est contemporain de sa llamada. Il résiste à tous les traitements traditionnels. Elle consulte le médico qui propose de la « petite « chirurgie: drainage de lymphatiques (S’agit-il d’une filariose ?) Elle préfère continuer avec du massage aux herbes et drainage postural.
Elle effectue surtout des divinations a partir de l' »orina y la prenda », jamais la « foto », elle laisse cela à « la Hilda ». Elle le prend assez à la légère (ce soir) avec la tradition. Elle ne connait pas vraiment son fileu (vileo) En tout cas, ce n’est pas un pillan, mais plutot un antepasado. En fait elle s’y perd un peu entre « antepasados, abuelitos, fileu, pillan », et « ngenechen » quant à la cause de son appelido. En tout état de cause elle invoque « ngenechen », c’est plus sur, et il les domine tous. Quant à sa transe, ca ressemble aussi bien à une présence possédante qu’à un voyage de l’âme. C’est l’un ou l’autre, l’un et l’autre, et, au fond, cela n’a pas tellement d’importance pour elle. Il suffit que le perimontum marche, que la vision opère pendant la transe. Elle dit les mots que lui dicte sa vision, son mari traduit pour la famille, et quand elle sort de la transe, elle ne se souvient pas de ce qu’elle y a vu. Impossible dès lors de faire ces nuances distinctives dont raffolent les anthropologues…
Rencontre avec Hilda COILLA DOMUINGUAL, machi à Pitraco, (intermed. Myriam AEDO), 2000: Le chauffeur local nous amène au plus près, et ensuite, comme à chaque fois, il reste un long chemin à faire à travers prés et boue. La cour de la Hilda témoigne d’un certain confort. Elle est riche. Elle a deux rewe de « siete espaldas », et les flacons d’urine qui y sont exposés comme dans une vitrine sont nombreux à témoigner de son succès. Pendant plus d’une heure, Myriam et moi faisons la causette avec les clients, sous l’ auvent en tôle de son « consultorio », autour d’un brasero allumé. Il fait froid. Des chiens et les volailles de basse-cour sont de la compagnie. Myriam a apporté un thermos de « maté » et des tasses. Ca réchauffe les mains et les contacts. Donc, on pappotte. Il y là un jeune paysan de 25 ans qui grelotte sous sa manta brune: il vient pour des problèmes urinaires et des douleurs dans les jambes. Une femme de la quarantaine, en manteau épais, familière du premier est dure d’oreilles. Le troisième, un cavalier venu avec sa monture, le sombrero de paille protégé par un plastique transparent, vient pour un problème gynécologique de sa femme. (A dév.)
La Hilda fait une première apparition. Elle a 32 ans et les fait. Bonne balle, teint campagnard, traits vigoureux, gabarit enveloppant. Sanglée, bien droite comme une marquise sûre d’elle-même, dans une robe à petites fleurs multicolores et brodée de volants. Elle est assez sympathique malgré ses grands airs. Tout compte fait, elle essaye de tenir le cap d’une fonction en péril. C’est ce qu’elle dit. Il y a une forte concurrence actuellement de la part des « naturistas » qui vendent des herbes à tire-larigot. Les machi et les meicos n’en connaissent qu’une trentaine, elle dit en utiliser plus de trois cent. Elle est une lawentucefe reconnue par les médecins du consultorio rural. Elle intègre même des médicaments huincas dans son arsenal. Il s’agit de médicaments contre les fièvres, des analgésiques, des antiacides, des pansements gastriques, des pommades antiseptiques, de l’aspirine, etc. Elle donne également des conseils diététiques. Elle pratique de temps en temps un machitun « doble », mais uniquement avec des familles qui savent subvenir aux frais, car il faut nourrir plus de douze participants pendant les 48 heures de durée du rituel, outre les honoraires de la machi. (On connait le prix donné par la Jimena, celui de la Hilda est pareil). On refait la liste des agents causes de frayeur « susto », »espanto » qui est d’après elle, la source la plus fréquente des meaux dans cet endroit : Anchimallen (l’enfant aux yeux brillants), Chercufe (la lumière passagère dans le ciel, de mauvaise augure), Chon-chon (grand perroquet à tête de sorcière), Kwé-kwé (oiseau volant dans l’obscurité et se transformant en pierre quand il tombe), Nakin (l’enfant des marais qui y attire et étouffe les égarés), Ngurruvilu (le renard couleuvre, de mauvaise augure), Piwichen (l’oiseau à cou de serpent), Wallipen (une brebis ou un autre quadrupède comportant une déformation physique, transmissible par le regard), Witranalwe (esprit maléfique anthropomorphique). Il s’agit là de la grande famille des Wekufu, êtres démoniaques manipulés par les « bruchos » ou kalku.
Pour un développement plus ample : voir CITARELLA Luca, Medicinas y culturas en la Araucania, Trafkin, Cooperacion italiana en salud, Ed. Sudamericana, Santiago-Chile, 2000)

Malero (espagnol) : jeteur de sorts néfastes, praticien de magie noire, à l’opposé du curandero. La distinction n’est pas si tranchée car un guerisseur peut tout aussi bien employer son art pour attirer le mal.

Maychas : autre appellation pour les yerbateros ou herbolarios cfr. FRISANCHO PINEDA D., Medicina indigena y popular, Libreria editorial Baca J.M., Lima, 1978, p. 67.

Mesa (espagnol) : chaque curandero a sa mesa, sa table, ensemble d’objets rassemblé peu à peu, supposé constituer le « champ de radiations et de vibrations » ,ou plus exactement les objets médiateurs entre ce champ propre au curandero et le corps ou le lieu de son patient. La table fonctionne comme un appareil récepteur-émetteur. Les objets qui composent la table sont des figures de saints et des idoles, des coquillages et fossiles, des huaca ou objets précolombiens ou coloniaux datant de l’ancienne humanité gentiles, des arme blanches pour lutter contre les démons, des instruments pour le trigo et la cha’ala, ainsi que pour la divination (brasero, feuilles de coca, etc…) (cfr. Récit de Le Tuno, cité in Poncelet V. Des forces agissantes semblables pour des espaces thérapeutiques différents, Mémoire PSP, 1997. p. 114.) Les mesa les plus complexes sont celles des callawaya amplement décrites par RÖSING et GIRAUD.

Yachac (quéchua) : sous-groupe des camayok, agent de l’ordre social qui a reçu son pouvoir de l’éclair ou du ciel. Les yachac sont des devins spécialisés dans la détection des troubles sociaux, les transgressions des lois et règles, tels les vols, les adultères, les mensonges, etc. Leur divination est basée sur l’interprétation des mouvements des volutes de fumée sortant d’un brasero en forme de fourneau circulaire percé d’orifices orientées dans les directions de l’espace. Actuellement, le terme est surtout employé pour les guérisseurs quéchua du nord de l’Equateur.

Yachak : adjectif et substantif, désigne une personne qui sait quelque chose, est dépositaire d’un savoir, un érudit, un savant qui connaît les coutumes, les traditions secrètes. Un yacchachikke, substantif, est un instructeur, un enseignant, un maître, un pédagogue, un professeur, transmetteur d’un savoir pragmatique ou qui ennoblit (d’après LIRA Jorge A., Dictionnario kkechuwa-espanol, Ed original : Universidad Nacional de Tucuman, 1941, Réedicion : Cuadernos culturales andinos, n° 5, Convenio « Andres Bello – Secab »,
Instituto internacional de integracion, Instituto andino de artes populares, Editora Guadalupe Ltda, Bogota 1, Colombia 1982, 345 pages.)

Yatiri : appelation donnée en Bolivie aux individus désignés par un événement exceptionnel, tel que leur survie suite à une maladie, accident ou chute de foudre. Surtout cette dernière est significative car la foudre illapa est la manifestation la plus frappante de la volonté des dieux. Suite à cette élection surnaturelle, les yatiri sont supposés être des protégés des dieux et/ou démons et seraient dotés de chiripa, (pouvoirs de divination, d’ubiquité, de télépathie, de clairvoyance, transmission de pensée et prémonition). A partir de cette élection ils font office de devins, de voyants ou « fortune-tellers » (selon SWANEY D. and STRAUSS R., Bolivia, Lonely Planet, Hawthorn, Australia, 1992, pp. 38 et 131.), font office de médiums, intermédiaires entre les hommes et les entités invisibles, et opèrent donc comme passeurs de suppliques et prières et interprètes de la volonté des êtres invisibles. Ou encore, ils peuvent élargir leur domaine de compétence pour devenir guérisseurs par une formation de curandero herboristo ou, plus rarement, de callawaya s’ils sont originaires de la région de la sierra Apolobamba.

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